MADAGASCAR (Catégorie 2 – liste de surveillance)
Le gouvernement de Madagascar ne se conforme pas entièrement aux normes minimales pour l’élimination de la traite des êtres humains, mais il fournit des efforts importants pour y parvenir. Ces efforts comprennent des enquêtes sur un nombre légèrement plus élevé de délits de traite, la coopération avec des gouvernements étrangers dans le cadre d’une enquête sur la traite et la mise en place d’un nouveau mécanisme pour les travailleurs migrants potentiels de la région de Diana afin de promouvoir un recrutement équitable à l’étranger et de sensibiliser aux indicateurs potentiels de traite. Cependant, le gouvernement n’a pas fait preuve d’une augmentation globale des efforts par rapport à la période de référence précédente, même en tenant compte de l’impact de la pandémie de COVID-19 sur sa capacité de lutte contre la traite. Le gouvernement n’a pas déclaré avoir poursuivi ou condamné des auteurs de traite. Malgré les rapports continus de complicité présumée, le gouvernement n’a demandé des comptes à aucun fonctionnaire complice et n’a pas enquêté sur les rapports de fonctionnaires facilitant la traite d’enfants à des fins sexuelles. Le gouvernement a identifié le plus petit nombre de victimes de traite depuis 2016 et n’a fourni des services qu’à la moitié des victimes identifiées. Le gouvernement est resté sans procédures opérationnelles standard (SOP) officielles pour identifier de manière proactive les victimes de traite et les orienter vers des soins. Les efforts globaux pour lutter contre les délits de traite interne, notamment la servitude domestique, la mendicité forcée et la traite ‘enfants à des fins sexuelles , sont restés inadéquats. Le gouvernement n’a pas alloué de ressources suffisantes au Bureau National de Lutte contre la Traite des Etres Humains (BNLTEH) et aux autres agences responsables des efforts de lutte contre la traite et n’a toujours pas de plan d’action national (PAN) pour lutter contre la traite, ce qui entrave les progrès et la coordination d’ensemble. Madagascar a donc été rétrogradée à la Catégorie 2 – la liste de surveillance.
RECOMMANDATIONS PRIORITAIRES:
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- Intensifier les efforts pour enquêter et poursuivre les crimes de traite, y compris les fonctionnaires et les auteurs de crimes de traite interne, et prononcer des peines appropriées à l’encontre des auteurs de traite condamnés.
- Identifier systématiquement et de manière proactive les victimes de traite en recherchant les indicateurs de traite parmi les populations vulnérables, notamment les enfants travailleurs, les femmes exploitées dans le commerce sexuel, les travailleurs migrants Malagasy de retour au pays et les ressortissants de la République Populaire de Chine (RPC) employés sur des chantiers affiliés à l’initiative “Belt and Road” de la RPC.
- Orienter toutes les victimes de traite identifiées vers les services de protection appropriés, y compris les victimes de traite interne, comme la servitude domestique, la mendicité forcée, la traite d’enfants à des fins sexuelles , les travailleurs migrants et les travailleurs étrangers ressortissants de la RPC.
- Modifier la loi de 2014 contre la traite des êtres humains afin de garantir que les peines prescrites pour la traite sexuelle des adultes soient proportionnelles à celles prévues pour d’autres crimes graves, tels que le viol et/ou l’enlèvement.
- Institutionnaliser la formation des agents de première ligne en matière d’enquêtes sur la traite de personnes centrées sur les victimes et tenant compte des traumatismes, ainsi qu l’utilisation de procédures opérationnelles standard pour l’identification et l’orientation des victimes vers les services appropriés.
- Finaliser, adopter et fournir un financement approprié pour la mise en oeuvre d’un PAN de lutte contre la traite.
- Renforcer le partenariat entre la police et les procureurs afin de poursuivre plus efficacement les affaires de traite, notamment par des conférences de cas régulières et des formations sur la collecte de preuves solides.
- Mettre en oeuvre et appliquer de manière cohérente une réglementation et une surveillance strictes des entreprises de recrutement de main-d’oeuvre, notamment en éliminant les frais de recrutement facturés aux travailleurs migrants et en tenant les recruteurs de main-d’oeuvre frauduleux pour pénalement responsables.
- Améliorer le système national d’identification, notamment en créant une base de données et des dispositifs anti-fraude, afin de prévenir la traite d’enfants à des fins sexuelles et de réduire la vulnérabilité des travailleurs Malagasy à l’étranger à la traite fondée sur la délivrance de documents frauduleux.
- Améliorer la collecte de données à l’échelle nationale sur l’application de la loi contre latraite et les efforts d’identification des victimes, y compris le partage d’informations entre les agences gouvernementales concernées.
- Mener des campagnes d’information au niveau communautaire pour sensibiliser le public à toutes les formes de traite, en particulier la traite d’enfants à des fins sexuelles dans les destinations touristiques.
POURSUITE
Le gouvernement a diminué les efforts d’application de la loi contre la traite de personnes. La loi n° 2014-040 a criminalisé la traite à des fins sexuelles et la traite des travailleurs et prescrit des peines allant de deux à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 1 million à 10 millions d’ariary Malagasy (MGA) (260 à 2560 dollars) pour les infractions impliquant une victime adulte, et de cinq à dix ans d’emprisonnement et une amende de 2 millions à 20 millions de MGA (510 à 5 130 dollars) pour celles impliquant une victime enfant. Ces peines étaient suffisamment sévères. Pour les infractions impliquant des enfants, en ce qui concerne la traite à des fins sexuelles, ces peines étaient proportionnlles à celles prescrites pour d’autres crimes graves, tels que le viol ; en revanche, les infractions impliquant la traitesexuelle d’adultes n’étaient pas proportionnées à celles prescrites pour d’autres crimes graves. Le gouvernement n’a pas fait d’efforts pour modifier sa loi pendant la période couverte par le rapport. Le BNLTEH a maintenu une base de données nationale pour la collecte d’informations relatives à la traite ; cependant, tous les ministères concernés n’ont pas régulièrement contribué à la base de données nationale et moins de parties prenantes ont fourni des données que les années précédentes, ce qui fait que les statistiques nationales sur l’application des lois restent difficiles à obtenir et à vérifier. Le gouvernement a déclaré avoir enquêté sur 30 cas de traite – 24 pour traite sexuelle d’adultes et six pour exploitation non spécifiée – au cours de la période considérée, contre 24 enquêtes au cours de la période précédente. En outre, le gouvernement a déclaré avoir enquêté sur 59 personnes pour des délits potentiels de traite ; cependant, le gouvernement n’a pas fourni de détails sur ces cas pour déterminer si les délits impliquaient une exploitation par le travail forcé ou la traite sexuelle. Le gouvernement n’a pas déclaré avoir poursuivi ou condamné des auteurs de traite, contre huit poursuites et deux condamnations au cours de la période précédente. Un média a rapporté que le Pôle Anti-Corruption d’Antananarivo a entendu une affaire impliquant un ressortissant Malagasy exploitant une fille à la fois dans le cadre de traite à des fins sexuelles et d’une servitude domestique et que le Tribunal de Première Instance d’Antananarivo a entendu une affaire impliquant un ressortissant étranger exploitant des femmes et des filles Malagasy dans le cadre de traite à des fins sexuelles. Une ONG a indiqué que le gouvernement a poursuivi une affaire de traite d’enfants impliquant sept suspects à Toliara, initiée en 2020. Selon l’ONG, les tribunaux ont reconnu un ressortissant Malagasy et deux ressortissants étrangers coupables de pédophilie dans cette affaire et les ont condamnés à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 2 millions MGA (510 $) ; les tribunaux ont acquitté les quatre autres accusés. Les autorités Malagasy ont coopéré avec les gouvernements des États-Unis et de la France pour enquêter, arrêter et engager des poursuites contre un ressortissant Malagasy soupçonné de faciliter la traite sexuelle en ligne de femmes et de filles à destination de clients étrangers. Dans l’ensemble, les efforts déployés pour enquêter et poursuivre les crimes de traite interne, notamment la servitude domestique, la mendicité forcée et la traite d’enfants à des fins sexuelles , sont restés insuffisants par rapport à l’ampleur du problème, et les responsables ont continué à confondre fréquemment traite de personnes et trafic de migrants.
Le gouvernement n’a pas signalé d’enquêtes, de poursuites ou de condamnations de fonctionnaires complices de délits de traite ; cependant, la corruption et la complicité des fonctionnaires dans les délits de traite sont restées des préoccupations importantes, entravant l’action des forces de l’ordre pendant l’année. En outre, les procédures stipulant qu’un fonctionnaire ne peut être arrêté sans l’autorisation de son supérieur hiérarchique ont empêché de tenir les fonctionnaires complices responsables des crimes de traite. Les observateurs ont signalé qu’un réseau de fonctionnaires continuait à produire de faux documents d’identité utilisés pour faciliter la traite d’enfants à des fins sexuelles, en particulier dans les zones côtières comme Nosy Be et Toliara. Les observateurs ont également allégué que certains fonctionnaires continuaient d’aider des ressortissants Malagasy à obtenir des documents de voyage frauduleux pour contourner une interdiction de voyage de 2013 dans certains pays du Moyen-Orient où les auteurs de traite ont exploité des travailleurs Malagasy. Au cours des années précédentes, des juges ont libéré des délinquants sexuels accusés, dont certains pouvaient être des auteurs de traite et étaient souvent des citoyens étrangers, prétendument à la demande de hauts fonctionnaires du gouvernement.
En raison de la longueur des procédures judiciaires et du manque de mise en oeuvre de la protection des victimes dans les procédures pénales, les familles choisissent souvent de régler les conflits, y compris les délits de traite, de manière informelle par des moyens traditionnels sans recourir au système judiciaire formel. Les observateurs signalent que les victimes hésitent souvent à porter plainte par crainte de représailles. Le gouvernement, en partenariat avec une organisation internationale, a formé les responsables de l’application de la loi aux stratégies d’enquête centrées sur les victimes dans les cas de traite d’enfants à des fins sexuelles. Malgré les efforts de formation, le gouvernement n’a pas institutionnalisé la formation à la lutte contre la traite, et certains policiers, agents de l’immigration, procureurs et juges ont continué à ne pas avoir une compréhension claire de la traite, ce qui a entravé les efforts de répression et d’identification des victimes. La coordination et le partage d’informations entre le parquet et la police étaient inadéquats et continuaient d’entraver la progression des affaires. En décembre 2019, le gouvernement, en partenariat avec une organisation internationale, a approuvé un accord inter-agences entre le système judiciaire, la police nationale et la gendarmerie nationale afin d’établir un protocole pour une coordination efficace sur les affaires de traite ; cependant, les différentes agences n’avaient pas signé l’accord et n’ont pas signalé de cas de sa mise en oeuvre pour la troisième période de rapport consécutive.
PROTECTION
Le gouvernement a diminué les efforts de protection des victimes. En raison de l’absence de collecte de données coordonnée au niveau national, le gouvernement n’a pas communiqué de données complètes. Le gouvernement a déclaré avoir identifié 72 victimes de traite, contre 175 victimes identifiées au cours de la période de rapport précédente et le plus faible nombre de victimes identifiées depuis 2016. Sur les 72 victimes identifiées, les auteurs de traite en ont exploité neuf dans le cadre du travail forcé, 18 dans le cadre de la traite sexuelle et 45 dans le cadre d’une exploitation non spécifiée ; 61 étaient des femmes et 11 des hommes ; 48 étaient des adultes, 20 des enfants et l’âge de quatre victimes était inconnu ; et les 72 victimes étaient tous Malagasy. Le gouvernement a fourni divers services, notamment des soins médicaux et une aide à l’éducation, à 37 victimes de traite des êtres humains, ce qui représente une baisse significative par rapport aux 117 victimes, au moins, assistées lors de la dernière période de rapport. Outre les victimes identifiées par le gouvernement, les ONG et les organisations internationales ont déclaré avoir identifié et aidé au moins 769 victimes potentielles, leur fournissant des services, notamment des soins médicaux, une aide à la réinsertion sociale, un soutien scolaire et une aide au rapatriement pour les ressortissants Malagasy potentiellement exploités en tant que domestiques à l’étranger. Le gouvernement n’avait toujours pas de procédures opérationnelles normalisées officielles permettant d’identifier de manière proactive les victimes de traite et de les orienter vers des services de prise en charge, à la place, différents ministères disposaient de différentes procédures opérationnelles utilisées à des degrés variés . Les fonctionnaires du gouvernement ont continué à avoir accès à un manuel d’identification et d’orientation des victimes élaboré par une organisation internationale ; cependant, le gouvernement n’a pas activement distribué le manuel, et l’utilisation des procédures en dehors d’Antananarivo est restée minime. Le gouvernement n’a pas procédé à un tri proactif des indicateurs de traite auprès des populations vulnérables, notamment les enfants travailleurs, les femmes exploitées dans le commerce du sexe, les travailleurs migrants Malagasy de retour au pays et les travailleurs étrangers.
Le Ministère de la Population (MOP), en collaboration avec une organisation internationale, a continué à coordonner plus de 700 réseaux de protection de l’enfant dans tout le pays afin d’aider les enfants victimes d’abus et d’exploitation et de garantir l’accès aux services médicaux et psychologiques pour les victimes de crimes, y compris de la traite. En raison du manque de ressources, seuls quelque 450 réseaux de protection de l’enfant ont fourni une assistance de base par le biais des hôpitaux publics et des unités de santé, et la plupart des réseaux ont orienté les victimes vers des organisations internationales et des ONG pour une assistance supplémentaire ; il s’agit d’une diminution par rapport aux 600 réseaux opérationnels au cours de la période précédente. Grâce à l’orientation des réseaux de protection de l’enfante, une organisation internationale a aidé 630 enfants (361 filles et 269 garçons), notamment des victimes d’exploitation sexuelle et des pires formes de travail des enfants, y compris la traite des enfants. Le Centre Mitsinjo, un centre d’hébergement temporaire pour les victimes adultes rapatriées, appartenant au gouvernement et spécialisé dans la lutte contre la traite des êtres humains, a continué de fonctionner avec une capacité d’accueil de 22 personnes. Six hôpitaux publics, en partenariat avec une organisation internationale, ont mis en place des centres de soutien aux victimes ” à guichet unique qui offrent une assistance aux enfants victimes de divers abus, y compris la traite à des fins sexuelles ; les centres de soutien à guichet unique – situés à Antananarivo, Mahajanga, Nosy Be, Toamasina, Tolagnaro et Toliara – offraient aux victimes une assistance médicale et un soutien psychologique par l’intermédiaire de travailleurs sociaux, et ils permettent d’accéder à la police pour déposer des plaintes. Le gouvernement a déclaré avoir aidé 1 351 enfants (dont 16 garçons) dans ces établissements, mais il n’a pas indiqué le nombre de victimes de traite identifiées qui ont été assistées.
Le MOP, en partenariat avec une organisation internationale, a continué à gérer un programme de placement en famille d’accueil pour les enfants exploités à Nosy Be ; le gouvernement n’a pas fourni de statistiques sur le nombre d’enfants aidés par le programme pour la troisième période de rapport consécutive. Le gouvernement a continué à gérer et à financer le centre Manjary Soa à Antananarivo, qui a accueilli 35 enfants qui avaient été retirés de situations de travail forcé dans des emplois domestiques ou de vente dans la rue. Ce centre offrait une formation professionnelle ou une réintégration dans le système scolaire public et permettait aux victimes de rester au centre pendant une année scolaire. La ville d’Antananarivo a continué à gérer un centre d’accueil d’urgence pour les enfants victimes de crimes, y compris les victimes de servitude domestique et de mendicité forcée, qui étaient fréquemment envoyés par le service de la police des moeurs et de protection des mineurs. L’administrationde la ville, en partenariat avec une organisation internationale, a fourni de la nourriture, un logement, une aide psychologique et médicale, ainsi que des services éducatifs aux victimes ; toutefois, le gouvernement n’a pas indiqué le nombre de victimes desservies par le centre. Le gouvernement, en partenariat avec une organisation internationale, a géré deux centres spécialisés pour les victimes de violence basée sur le genre, y compris les victimes potentielles de traite, à Antananarivo. Ces centres fournissaient gratuitement un soutien psychologique, des soins médicaux et une assistance
juridique ; le gouvernement n’a pas indiqué le nombre de victimes de traite ayant bénéficié d’une assistance pendant la période de rapport.
En raison de l’absence de procédures d’identification formelles, certaines victimes potentielles de traite ont pu rester non identifiées au sein du système d’application de la loi. La police arrêtait parfois des filles pour “prostitution” sans les examiner ou les identifier comme victimes de traite et gardait parfois temporairement les victimes potentielles de traite transnationale des travailleurs dans les commissariats de police, faute d’autres possibilités d’hébergement. Les observateurs ont rapporté que les employeurs poursuivaient souvent les anciens enfants domestiques pour éviter de payer les salaires impayés accumulés dans les cas où les victimes auraient signalé leurs abus ; bien qu’il ait documenté 55 cas où les employeurs ont poursuivi les enfants domestiques, le gouvernement n’a pas déclaré avoir enquêté sur ces incidents pour des crimes potentiels de traite ou avoir examiné les enfants pour des indicateurs de traite. Afin d’éviter les représailles de la part des auteurs de traite présumés, les procès relatifs à la traite pourraient se dérouler à huis clos ou par vidéoconférence pour garantir la confidentialité et la vie privée des témoins ; toutefois, le gouvernement n’a pas indiqué le faire. Alors que la loi de 2014 contre la traite des êtres humains donnait aux victimes le droit à une restitution, pour la huitième année consécutive, le gouvernement n’a pas appliqué cette disposition. Des observateurs ont rapporté que les tribunaux de Toliara ont rejeté la demande d’indemnisation des enfants victimes de traite à des fins sexuelles parce que les victimes n’avaient pas de copie de naissance ni de carte d’identité nationale. La loi de 2014 sur la lutte contre la traite des êtres humains exigeait des autorités qu’elles envisagent des alternatives légales pour les victimes étrangères de traite des êtres humains qui pensent qu’elles pourraient subir des difficultés ou des représailles si elles étaient renvoyées dans leur pays d’origine.
PREVENTION
Le gouvernement a maintenu des efforts minimaux pour prévenir la traite. Le BNLTEH, sousl’égide du bureau du Premier Ministre, a continué à diriger les efforts nationaux de lutte contre la traite du gouvernement. La loi des finances de 2021 prévoyait un budget dédié de 410 millions MGA ($105 070 ) pour les programmes de lutte contre la traite dirigés par le BNLTEH ; cependant, pour la deuxième année consécutive, le gouvernement n’a débloqué aucun financement pour le BNLTEH, attribuant cette décision à la pression exercée sur le budget national pendant la pandémie. Le manque de financement a entraîné l’annulation de la plupart des activités prévues par le BNLTEH. Le gouvernement ne disposait pas d’un PAN de lutte contre la traite des êtres humains ; le BNLTEH a finalisé un projet de PAN actualisé au cours de la période de rapport précédente, qui attendait l’approbation du Premier Ministre pour la deuxième année consécutive. En partenariat avec des organisations internationales, le gouvernement a organisé des campagnes de sensibilisation ciblant les ministères, les chefs religieux, les travailleurs migrants potentiels et le grand public sur les indicateurs de la traite. Le BNLTEH a mis en place une ligne d’assistance téléphonique pour signaler les cas de traite des êtres humains et a affecté du personnel à la réception des appels entrants ; toutefois, l’appel à la ligne d’assistance n’était pas gratuit et sa publicité était limitée. En 2021, la ligne d’assistance a reçu 18 appels et a identifié deux victimes de traite potentielles. En partenariat avec une organisation internationale, la police et les travailleurs sociaux de la MOP ont continué à gérer une ligne d’assistance nationale gratuite pour signaler les cas de maltraitance d’enfants. Le gouvernement a déclaré avoir identifié et orienté vers une prise en charge 12 enfants victimes de travail forcé dans le cadre de la servitude domestique à partir de la ligne d’assistance, contre 37 victimes identifiées au cours de la période de rapport précédente. Malgré l’identification de victimes de traite potentielles par les différentes lignes d’assistance, la police n’a pas ouvert d’enquête sur ces cas.
Une interdiction de 2013 sur le départ des travailleurs migrants vers les pays du Moyen-Orient que le gouvernement considérait comme à haut risque est restée en place ; cependant, les agences de recrutement illicites ont contourné l’interdiction en envoyant des travailleurs via d’autres pays africains, notamment les Comores, l’Éthiopie, le Kenya, Maurice et les Seychelles. Pour tenter de résoudre ce problème et d’identifier les agences impliquées dans le recrutement frauduleux, le gouvernement a maintenu la suspension de toutes les accréditations existantes pour les agences de placement et, par conséquent, l’interdiction de recruter des travailleurs pour un emploi à l’étranger. Ces interdictions ont continué à laisser les Malagasy sans moyens légaux de se rendre à l’étranger pour y travailler et, par conséquent, sans accès aux mécanismes de protection disponibles dans le cadre d’un voyage autorisé, augmentant ainsi leur vulnérabilité à la traite et au chantage. La suspension de l’accréditation des agences de placement a conduit les employeurs et les auteurs de traite à cibler de plus en plus les travailleurs migrants pour les faire chanter ou leur demander des pots-de-vin. En raison des restrictions de voyage liées à la pandémie, le gouvernement a suspendu tous les vols commerciaux de mars 2020 à novembre 2021; ces restrictions peuvent avoir exacerbé les vulnérabilités préexistantes à la traite parmi les travailleurs migrants. Le Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Fonction Publique et des Lois Sociales (MOL) a continué à superviser le processus de déplacement des travailleurs migrants vers des pays autre que les pays du Golf en exigeant l’approbation du contrat par l’ambassade Malagasy concernée. Le MOL, en partenariat avec une organisation internationale, a mis en place une nouvelle initiative dans son bureau régional d’Antsiranana pour fournir des informations aux citoyens Malagasy de la région de Diana qui cherchent un emploi à l’étranger afin de promouvoir un recrutement équitable, notamment en les sensibilisant aux indicateurs potentiels de traite.
Le gouvernement a maintenu ses efforts pour réduire la demande d’actes sexuels commerciaux, y compris le tourisme sexuel impliquant des enfants. Les fonctionnaires locaux de Toliara ont continué à enquêter sur les suspects de tourisme sexuel impliquant des enfants, y compris ceux qui achètent des services sexuels à des enfants. Le Ministère du Tourisme (MOT), en partenariat avec des organisations internationales, a continué à contrôler l’engagement des quelque 1 000 opérateurs touristiques de 12 régions qui avaient précédemment adhéré au code de conduite du tourisme contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales des enfants et le tourisme sexuel. La MOT a mené un nombre indéterminé d’inspections de conformité dans les hôtels afin de rappeler à ces derniers leur obligation d’afficher dans leur réception des affiches annonçant l’interdiction de l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales ; le gouvernement a également maintenu de tels panneaux dans les aéroports afin d’avertir les touristes. Le MOT, en partenariat avec des ONG et un donateur international, a continué à diffuser des brochures aux touristes pour leur rappeler que la traite d’enfants à des fins sexuelles est illégale et leur indiquer la marche à suivre pour signaler un crime de traite. Le gouvernement n’a pas fourni de formation sur la lutte contre la traite des êtres humains aux diplomates.
LE PROFIL DE LA TRAITE
Comme indiqué au cours des cinq dernières années, les auteurs de traite d’êtres humains exploitent des victimes nationales et étrangères à Madagascar, et les trafiquants exploitent des victimes de Madagascar à l’étranger. Les auteurs de traite exploitent les enfants Malagasy, principalement ceux des régions rurales et côtières et des familles pauvres des zones urbaines, dans le cadre de la traite d’enfants à des fins sexuelles et du travail forcé dans le service domestique dans les maisons et les entreprises, l’exploitation minière, la vente ambulante, l’agriculture, les usines textiles et la pêche dans tout le pays. La prévalence de la mendicité forcée des enfants continue d’augmenter à Antananarivo ; les rapports indiquent que les auteurs de traite obligent les enfants, y compris ceux qui sont en situation de handicap, à travailler pendant de longues heures et dans des conditions dangereuses, souvent à la demande de leurs parents. La plupart des cas de traite d’enfants à des fins sexuelles ont lieu dans les destinations touristiques, les villes urbaines, les régions productrices de vanille et autour des sites miniers formels et informels, avec la participation et l’encouragement des membres de la famille ; cependant, des opérateurs touristiques, des hôtels, des chauffeurs de taxi, des centres de massage et des adultes locaux impliqués dans le commerce du sexe facilitent également ce crime. Les auteurs de traite continuent d’exploiter des filles âgées de 13 ans seulement dans le cadre du tourisme sexuel impliquant des enfants à Nosy Be, Toliara et dans d’autres régions côtières, souvent ouvertement dans des bars, des boîtes de nuit, des salons de massage, des hôtels et des maisons privées. Des hommes Malagasy exploitent la majorité des enfants victimes de traite d’enfants à des fins sexuelles. Bien que les arrivées de touristes aient diminué pendant la pandémie, historiquement, la plupart des touristes sexuels étrangers à Madagascar sont des ressortissants français et italiens et, dans une moindre mesure, d’autres Occidentaux et des Comoriens. Dans les zones côtières comme Nosy Be, Toliara, Mahajanga et Toamasina, les parents encouragent les filles, dès l’âge de 15 ans, à devenir financièrement indépendantes en s’adonnant au commerce du sexe avec des touristes étrangers ; les auteurs de traite profitent de cette norme culturelle pour exploiter les filles dans le cadre de la traite d’enfants à des fins sexuelles. Des auteurs de traite recrutent frauduleusement certains enfants pour les faire travailler à Antananarivo et à Mahajanga comme serveuses et masseuses avant de les exploiter dans le cadre de la traite d’enfants à des fins sexuelles. Des auteurs de traite continuent d’abuser des pratiques traditionnelles de mariage arrangé, d’achat de fiancées et de marchés aux filles pour exploiter les filles dans le cadre de la traite d’enfants à des fins sexuelles. Des fonctionnaires du gouvernement seraient complices de la fourniture aux auteurs de traite de cartes d’identité nationales et de certificats de naissance falsifiés qui facilitent la traite d’enfants à des fins sexuelles à Madagascar et le travail forcé des femmes Malagasy à l’étranger. Pendant la pandémie, les auteurs de traite à des fins sexuelles ont exploité de plus en plus de femmes et d’enfants en ligne ; dans certains cas, les auteurs de traite ont attiré des femmes des provinces rurales à Antananarivo en leur promettant un emploi, souvent par le biais de fausses annonces d’emploi sur les médias sociaux, mais les ont ensuite forcées à accomplir des actes sexuels en ligne pour des clients étrangers. Selon la police, les auteurs de traite utilisent de plus en plus des lieux centralisés appelés “centres d’appel” pour exploiter simultanément plusieurs femmes et filles en ligne ; les auteurs de traite changent régulièrement de lieu pour éviter que les forces de l’ordre ne les détectent. Des rapports précédents indiquaient que la traite sexuelle des garçons devenait plus fréquente. Le travail forcé a persisté dans le contexte des dinas, qui sont des arrangements informels pour le paiement ou en réponse à un acte répréhensible et un moyen de résoudre les conflits ou de payer les dettes.
De nombreuses femmes Malagasy sont employées comme domestiques en RPC, au Liban, au Koweït et en Arabie Saoudite, et les médias rapportent que des agences de placement informelles tentent toujours de contourner l’interdiction de 2013 d’envoyer des travailleurs au Moyen-Orient en les acheminant via les Comores, l’Éthiopie, le Kenya, l’île Maurice et les Seychelles en utilisant des visas touristiques légitimes pour éviter de déclarer les voyageurs comme travailleurs migrants. Des rapports indiquent que les autueurs de traite et les employeurs exploitent les travailleurs Malagasy dans les États du Golfe en recourant à diverses formes d’abus, telles que la violence physique, la rétention du salaire et la confiscation des passeports. Une organisation internationale rapporte que les restrictions liées à la pandémie à l’étranger, notamment dans les États du Golfe, peuvent accroître la vulnérabilité des travailleurs migrants Malagasy à la traite en raison de la surcharge de travail, des réductions de salaire, de la perte d’emploi et de l’accès limité aux services sociaux. Les auteurs de traite agissant en tant qu’agents dans les agences de recrutement de main-d’oeuvre envoient des femmes Malagasy en RPC avec des cartes d’identité falsifiées, où elles sont exploitées dans le cadre d’un travail forcé dans l’agriculture ou la servitude domestique. Les auteurs de traite et les employeurs peuvent exploiter les hommes Malagasy dans le cadre du travail forcé dans les secteurs des services et de la construction au Moyen-Orient et de la servitude domestique en RPC. Les ressortissants de la RPC employés à Madagascar sur des chantiers affiliés à linitiative Belt and Road de la RPC sont vulnérables au travail forcé, en particulier dans la construction.